20 juillet 2013

Ouaga bouillonne

La capitale du Burkina est, comme toute capitale, le point de rencontre des revendications de la population. Ces dernières semaines, j’ai le sentiment que le mécontentement s’y fait plus fort. Les Ouagalais n’ont plus leur langue de leur poche. Les marches, sit-in et grèves deviennent fréquents.

(Ouagadougou, juillet 2013)

En cette première partie de 2013, les Ouagalais n’ont pas été épargnés par les mauvaises nouvelles.
En mars, l’Organisation des Nations Unies publie son Indice de développement humain de 2012. Le couperet tombe: le Burkina pointe son nez dans le bas du classement mondial, 183e sur 187 pays. Il campe parmi des Etats en situation de conflit.

En avril, c’est le gaz butane qui devient plus cher. Depuis lors, les Burkinabè déboursent 5.000 F CFA pour recharger leur bouteille de 12,5 kg, soit 1.000 F CFA de plus qu’avant. De quoi faire tourner de l’œil la plupart des foyers ouagalais, qui utilisent cette denrée quotidiennement pour préparer leurs plats.
Pour couronner le tout, les prix du lait et du mil augmentent aussi.

En mai, l’annonce de la création d’un Sénat au Burkina échauffe les cerveaux pour de (Ouagadougou, juillet 2013)bon. Cette innovation est prévue depuis décembre 2011. Tous les Burkinabè savaient que le Sénat allait être mis en place. Mais cette seule concrétisation est la goutte d’eau qui fait déborder le vase pour la plupart des gens que je côtoie. Ils craignent en fait de voir s’ériger un Sénat pro-régime qui permettra de réviser la Constitution quand bon lui semble. De plus, le budget nécessaire pour la création de cette structure donne le vertige: l’opposition parle de 36 milliards de F CFA, soit près de 55 millions d’€.

Les réactions

Elles ne se font pas attendre… Le 29 juin, l’opposition politique organise une marche anti-Sénat. Plusieurs milliers de personnes y participent. Les gaz lacrymogènes lancés par la police ne font qu’accentuer le mécontentement des manifestants. C’est visiblement le début d’un ras-le-bol partagé.
Un mouvement voit le jour suite à cette marche: « Le Balai citoyen ». Dès ce moment, les artistes entrent dans la danse. Sans langue de bois, les deux musiciens-fondateurs (Ouagadougou, juillet 2013)appellent à une démocratisation du Burkina Faso.

Le 13 juillet, les gardes de sécurité pénitentiaire de la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou observent un arrêt partiel de travail. Cette action n’est que peu relatée tant elle est silencieuse. Cependant, elle prouve cette fois que, même du côté des agents de l’Etat, les critiques pleuvent. Mauvaises conditions de travail pour eux, mauvaises conditions de détention pour les prisonniers.

Le 16 juillet, c’est au tour des journalistes de se plaindre. Ceux des médias publics, plus précisément. Ils organisent un sit-in devant le Ministère de la Communication. Dans leur haut-parleur et sur leurs pancartes, leur revendication est sans équivoque: non aux conditions de travail actuelles et non à l’immixtion de la hiérarchie dans l’élaboration de leur information. Cette dernière plainte fait suite à la censure que les journalistes ont subie lors de la couverture de la manifestation de l’opposition.

(Ouagadougou, juillet 2013)Enfin, dernière marche en date: ce 20 juillet. L’appel à protestation de la Coalition contre la vie chère a convaincu la population de remplir la place de la Nation ce matin. Dans la foule, l’on retrouvait tant des travailleurs du secteur public que privé. La vie chère, tout Ouagalais la ressent, indifféremment du reste.

Malgré les multiples tentatives de récupération de la part du pouvoir, la plupart des Ouagalais que je rencontre sont las. Les journalistes s’insurgent. Les étudiants se rebellent. Les commerçants désespèrent. Les chômeurs se découragent. Les expatriés s’étonnent. Les chefs de petite entreprise s’inquiètent. Les fonctionnaires souffrent. Mes voisins périssent.

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